, outre une présentation très générale, l'auteur écrit : « nous voyons arriver un personnage grand, fort, et évidemment paresseux », qui fumait sa cigarette lors de la pause qu'il prenait toutes les heures ; on remarque des détails tout-à-fait précis et intéressants : « il y a ici un foisonnement d'idées vivantes et en même temps une action directe, optimiste, virile, gaie ». Cette gaieté virile est encore attestée par un second témoignage, d'André Maurois, qui deviendra lui aussi très grand professeur : « nous n'étions en classe que depuis cinq minutes et déjà nous nous sentions bousculés, provoqués, réveillés. Pendant dix mois nous allions vivre dans cette atmosphère de recherche passionnée. (?) Chartier aimait nous donner le choc d'une thèse paradoxale qu'il entourait de tout l'appareil de la vraisemblance logique. Puis tantôt il la démolissait ; tantôt il nous laissait chercher notre propre salut. » (André Maurois, Mémoires, 2 volumes). Cette atmosphère de recherche passionnée rompt avec le caractère austère de l'éducation d'Alain au collège Sainte-Catherine puis au lycée d'Alençon, dont l'application aveugle de règles dépourvues de sens, n'avait rien de ce bousculement, de cette provocation, de cet éveil sur lesquels repose tout le talent d'Alain, et aux exigences intellectuelles qui régissent cet enseignement. Pourtant, quelque chose de tout-à-fait singulier caractérise Alain, ce qui le distingue radicalement de l'Ecole Républicaine, 1932.

, Il cherchait scrupuleusement le point où chacun laissait apparaître quelque qualité positive? il pariait pour l'homme. Il guettait leur lueur d'humanité, et des deux mains il protégeait la petite flamme naissante pour l'aider à grandir » 26 . C'est sur le sens de l'encouragement, de la confiance, et du progrès des enfants, qu'Alain fonde le cours de pédagogie enfantine qu'il dispense au collège Sévigné en 1924 aux jardinières d'enfants, sur la demande de sa directrice Mme Salomon. Dans sa lettre du 18 janvier 1968, George Bébézé rendait à Alain cet hommage savoureux : « nous ne nous sentions plus, surtout après plusieurs mois, des enfants qui suivaient une classe, mais un groupe qui essayait de penser convenablement, et sans avoir à subir le poids d'une autorité qui jusqu'alors nous avait paru nous traiter comme des mineurs. (?) Cette liberté que les jeunes ont conquise? et dont ils paraissent abuser quelquefois, Enfin, loin de la sélection et du découragement des plus faibles dans l'école de la troisième république, c'est peut-être l'aspect suivant qui cristallise la pratique philosophique du professeur Chartier : « A chacun de nous il faisait confiance

«. Samuel-de-sacy and . Topo, Disciple. Philosophie », Nouvelle Revue Française, Hommage à Alain, pp.47-48, 1952.

. Cf, . Voir-aussi-le-témoignage-d'andré, and . Amar, Sa voix ordinairement presque sourde s'élevait alors dans tout l'éclat Sous un dernier rapport, Alain apparaît comme un véritable philosophe de l'enfance, ou plutôt, de ce qu'il appelle lui-même la « nature enfantine ». Si son approche n'est pas directement psychologique ou sociologique, elle repose toutefois sur une observation suivie et très minutieuse des enfants ; c'est précisément pour ses connaissances qu'il est appelé à enseigner au collège de Sévigné dès 1924 aux jardinières d'enfants. Sa philosophie consiste à penser la rigoureuse relation de l'enfant au langage (notamment du primat des signes sur les choses), ses manières spécifiques de penser et de sentir, sa représentation singulière du monde qui l'entoure, ou encore le fonctionnement de l'attention qu'il porte aux choses : « L'enfance, « ce spectacle de l'homme aux prises avec l'idée était beau à voir. Chartier parlait, tassé sur sa chaise, les coudes sur la table, les yeux mi-clos, concentré, ramassé sur lui-même, comme un lutteur pesant sur son adversaire

L. , Il pense d'abord en roi, et manifeste une conduite magique par un perpétuel recours aux signes''. L'enfant va de l'abstrait au concret, il part du complexe, du global, du confus : son monde est d'abord un monde où les choses mêmes sont signes ; il part des mots, ces talismans, quitte à mettre des années pour en comprendre le sens ; le verbalisme est inhérent à l'enfance. (?) Celle-ci est un étage de l'homme sur lequel on construit sa vie d'adulte, capable de deviner les autres et de les faire agir avec pénétration. (?)

, Mais elle a quelque chose de plus que toutes les autres, quelque chose d'infiniment supérieure ; elle reste selon Jean Château, la plus éclairante et la plus éminente : « j'avoue que moi-même, pour comprendre l'enfant, et procéder sur lui à des études scientifiques, j'ai trouvé plus d'inspiration chez Alain que chez les plus grands de nos psychologues contemporains, La pensée d'Alain n'est pas incompatible avec les approches psychologiques, sociologiques, médicales, juridiques de l'enfance, p.29

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