Angelus Novus : l'Ange de l'Histoire, la voix des oubliés
Abstract
Il y a quelque chose de résolument benjaminien dans l’écriture de Pascal Quignard : selon lui son projet du Dernier Royaume, écriture multiple et fragmentée, s’origine dans une révélation sur la nature du temps, le faisant passer de trois à deux dimensions. Un temps où ne se succéderaient pas le passé, le présent et l’avenir donc, orientés par une flèche causale et linéaire que déploierait l’historien, mais un tourbillon déchiré entre le passé perdu et le jadis perdu d’avant le temps, la source mystérieuse du temps lui-même. Dépouillé de l’illusion causale, qui est celle des vainqueurs auxquels s’identifie l’historien, le passé revêt alors un caractère irretrouvable, celui d’un champ de ruines auquel l’écriture peut tout au plus faire de la place, pour en attester la perte et prêter attention à ses échos énigmatiques. Écrire l’Histoire, ainsi qu’en appelle Walter Benjamin dans « Sur le concept d’Histoire », ne consiste alors plus à empiler des données factuelles sur la ligne du temps, mais à ménager, dans et par l’écriture, un espace de rencontre entre l’instant présent et le passé, c’est-à-dire à chercher ce que contiennent d’actuel, d’impérieux, les voix des anonymes et des vaincus de l’Histoire.
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